Jugement

Appréciation de la constitutionnalité de la Loi no. 08/L-179 sur les Mesures provisoires sur les produits de base dans des cas particuliers de déstabilisation du marché

Numéro de l’affaire KO173/22

Requérants: Arben Gashi dhe 9 (nëntë) deputetë të tjerë të Kuvendit të Republikës së Kosovës

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KO173/22, requérants Arben Gashi et 9 (neuf) autres députés de l’Assemblée de la République du Kosovo, appréciation de la constitutionnalité de la Loi no. 08/L-179 sur les Mesures provisoires sur les produits de base dans des cas particuliers de déstabilisation du marché

KO173/22, Arrêt du 8 novembre 2023, publié le 24 novembre 2023

La Cour Constitutionnelle de la République du Kosovo a publié l’arrêt dans l’affaire KO 173/22, avec les requérants Arben Gashi et 9 (neuf) autres députés de l’Assemblée de la République du Kosovo, soumis à la Cour Constitutionnelle en vertu des dispositions du paragraphe 5 de l’article 113 [Juridiction et Parties Autorisées] de la Constitution de la République du Kosovo, concernant l’appréciation de la constitutionnalité de la Loi no. 08/L-179 sur les mesures provisoires sur les produits de base dans des cas particuliers de déstabilisation du marché.

La Cour a décidé (i) à l’unanimité de déclarer la requête recevable ; (ii) de constater, par sept (7) voix pour et une (1) contre, que les paragraphes 2 et 4 de l’article 4 (Produits de base), le paragraphe 2 de l’article 5 (Mesures provisoires de protection), les paragraphes 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 9 de l’article 8 (Prise de décision) et le paragraphe 2 de l’article 9 (Contrôle et sanctions) de la Loi no. 08/L-179 sur les Mesures Provisoires sur les produits de base dans des cas particuliers de déstabilisation du marché, ne sont pas conformes au paragraphe 1 de l’article 7 [Valeurs], à l’article 10 [Économie] et au paragraphe 5 de l’article 119 [Principes généraux] de la Constitution de la République du Kosovo ; (iii) de constater, par sept (7) voix pour et une (1) contre, que l’article 10 (Entrée en vigueur) de la Loi no. 08/L-179 sur les mesures provisoires sur les produits de base dans des cas particuliers de déstabilisation du marché, n’est pas conforme au paragraphe 1 de l’article 7 [Valeurs] et au paragraphe 1 de l’article 119 [Principes généraux] de la Constitution de la République du Kosovo ; (iv) de déclarer invalide, par sept (7) voix pour et une (1) contre, dans son intégralité, la loi no. 08/L-179 sur les mesures provisoires sur les produits de base dans des cas particuliers de déstabilisation du marché ; et (iv) de rejeter, à l’unanimité, la requête de mesures provisoires.

L’arrêt précise tout d’abord que la Loi contestée régule l’établissement de mesures provisoires de protection pour la fourniture de produits de base aux consommateurs, lorsque se présentent des cas particuliers de déstabilisation sur le marché ainsi que les modalités d’application de ces mesures envers les autorités et les opérateurs économiques, afin d’éliminer les effets de la hausse des prix et l’absence de produits de base sur le marché. Il définit, entre autres, les causes pour lesquelles des mesures de protection provisoires peuvent être imposées. Ces dernières comprennent (i) la limitation de la quantité vendue au consommateur dans le délai spécifié ; (ii) l’ interdiction du retrait de la vente du produit ; (iii) la détermination de la marge commerciale pour les ventes en gros et au détail ; (iv) la fixation du prix maximum autorisé ; (v) l’obligation de l’opérateur économique de maintenir une certaine partie du stock du produit ; (vi) l’obligation de l’opérateur économique de fournir et de proposer à la vente les produits de base comme avant l’établissement des mesures de protection ; et (vii) l’interdiction, la restriction des exportations. Selon les dispositions de la Loi contestée, entre autres, les mesures peuvent être fixées proportionnellement aux besoins de protection des consommateurs et doivent être conformes aux engagements bilatéraux de l’Accord de Stabilisation et d’Association entre la République du Kosovo et l’Union européenne. La Loi contestée définit, aussi et entre autres, la création d’une Commission qui recommande au Ministre l’ application et la durée des mesures provisoires de protection et permet à celui-ci de consulter les autorités compétentes publiques dans ce contexte, y compris le Conseil de l’ASA, d’autre part le Premier Ministre définit la compétence d’abroger, d’annuler ou de modifier toute décision du Ministre pour l’établissement de mesures provisoires de protection aux opérateurs économiques, à savoir les personnes morales/physiques, dans des circonstances de déstabilisation du marché.

Les requérants en substance ont allégué devant la Cour que la loi contestée constitue une ingérence dans l’économie de marché libre garantie par les articles 7 [Valeurs], 10 [Économie] et 119 [Principes généraux] de la Constitution. Dans ce contexte, ils soulignent entre autres que, en vertu de la Constitution, l’économie de marché libre est une valeur de la République du Kosovo et que cette dernière est tenue de fournir un environnement juridique favorable à l’économie de marché, à la liberté d’activité économique et à la sécurité de la propriété publique et privée, notamment en établissant tous les mécanismes institutionnels et juridiques nécessaires pour garantir qu’il existe au Kosovo un marché ouvert, “ où l’offre et la demande comprennent le modèle de circulation des biens, du travail, des connaissances et des capitaux dans l’économie ” et où les opérateurs économiques privés sont protégés par un système juridique suffisant pour opérer librement dans le marché intérieur. Les requérants ont par la suite, et entre autres, souligné que l’État devrait s’abstenir de s’ingérer dans l’économie de marché par toute mesure limitant la liberté des opérateurs économiques commercialisant des produits de base, soulignant également (i) que selon la Constitution, l’État peut créer des organes indépendants pour la régulation du marché, lorsque celui-ci ne peut pas protéger suffisamment l’intérêt public ; et (ii) que l’obligation envers les opérateurs économiques, par décisions gouvernementales, de conserver des réserves/stocks de certaines marchandises, est arbitraire car une telle approche est également contraire aux dispositions de la Loi no. 03/L-244 sur les Réserves d’État de marchandises. Les allégations des requérants sont contestées par le Ministère de l’Industrie, de l’Entrepreneuriat et du Commerce et par le groupe parlementaire du mouvement Vetëvendosje!. Ces derniers soutiennent, entre autres, que la loi contestée (i) n’est pas contraire aux principes constitutionnels de liberté de l’économie de marché, car la Constitution permet l’action, à savoir l’ingérence de l’État dans la régulation de la liberté d’activité économique à travers les lois de l’Assemblée, et que dans les circonstances de l’espèce, la Loi contestée poursuit le but légitime de protéger l’intérêt public, à savoir protéger les consommateurs dans des circonstances particulières de déstabilisation du marché et que les mesures déterminées par la loi contestée sont proportionnées au but poursuivi ; et (ii) n’est pas contraire aux obligations de la République du Kosovo découlant de l’Accord de Stabilisation et d’Association.

La Cour, dans l’exercice d’appréciation de la constitutionnalité de la Loi contestée, a d’abord élaboré (i) les principes fondamentaux de l’économie de marché conformément à la Constitution et à la législation en vigueur de la République du Kosovo ; (ii) les principes pertinents découlant des instruments internationaux et relatifs à l’économie de marché libre et les circonstances dans lesquelles l’intervention de l’État peut être compatible avec la liberté de l’économie de marché, telle que définie par les réglementations applicables de l’Union européenne et la pratique judiciaire de la Cour de justice de l’Union européenne, mais aussi la pratique judiciaire de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, les Avis pertinents de la Commission de Venise et la contribution des Cours Constitutionnelles et/ou de leurs équivalents du Forum de la Commission de Venise ; puis (iii) a appliqué ces principes tout au long de l’appréciation de la constitutionnalité de la loi contestée.

L’Arrêt, à la lumière des arguments et contre-arguments présentés, entre autres, a examiné et évalué (i) si les mesures de protection provisoires établies par la loi contestée constituent une ingérence dans l’économie de marché libre ; (ii) si les mécanismes décisionnels concernant l’établissement de mesures de protection provisoires définies par la loi contestée sont conformes à la Constitution ; et (iii) si la loi contestée est conforme au principe de sécurité juridique, à savoir l’État de droit en tant que valeur essentielle de la République du Kosovo.

(i) si la loi contestée enfreint les principes constitutionnels de l’économie de marché

L’arrêt souligne le fait que (i) en vertu de l’article 7 [Valeurs] de la Constitution, l’économie de marché est une valeur de la République du Kosovo ; (ii) en vertu de l’article 10 [Économie] de la Constitution, l’économie de marché avec libre concurrence constitue la base de la régulation économique de la République du Kosovo ; et (iii) en vertu de l’article 119 [Principes généraux] de la Constitution, entre autres, il est du devoir des autorités de l’État d’assurer un environnement juridique favorable à l’économie de marché, à la liberté d’activité économique et à la sécurité de la propriété publique et privée , et également pour protéger le consommateur conformément à la loi. L’arrêt précise en outre que (i) les actions qui limitent la libre concurrence par l’établissement ou l’abus d’une position dominante ou des pratiques qui limitent la concurrence sont interdites, sauf lorsqu’elles sont “explicitement” autorisées par la loi ; et que (ii) la République du Kosovo doit créer des organes indépendants pour réguler le marché lorsque le marché lui-même ne peut pas protéger suffisamment l’intérêt public. De plus, l’arrêt souligne que les opérateurs économiques auxquels s’appliquent les mesures provisoires de protection prévues par la loi contestée sont également des personnes morales et qu’ en vertu de l’article 21 [Principes généraux] de la Constitution, tous les droits et libertés leur sont applicables, ainsi que les droits fondamentaux spécifiés au chapitre II [Droits et libertés fondamentaux] de la Constitution, dans la mesure où ils sont applicables et ne peuvent donc être limités que conformément aux dispositions de l’article 55 [Restriction des droits et libertés fondamentaux] de la Constitution, respectivement dans la mesure où la restriction pertinente est « définie par la loi », « poursuit un but légitime » et est « proportionnée au but poursuivi ».

Selon les précisions données dans l’Arrêt et dans la mesure où cela est pertinent dans les circonstances de l’ espèce, l’Assemblée de la République du Kosovo a le droit mais aussi le devoir d’adopter la législation appropriée pour garantir un environnement juridique favorable à l’ économie de marché, mais aussi la protection du consommateur, y compris la possibilité de (i) définir “explicitement” des exceptions à la libre concurrence ; et (ii) créer des organes indépendants pour la régulation du marché lorsque le marché lui-même ne peut pas protéger suffisamment l’intérêt public. Les obligations dans le contexte de l’économie de marché découlent également de l’Accord de Stabilisation et d’Association qui, en vertu des articles 16 [Préséance de la Constitution] et 19 [Application du droit international] de la Constitution, fait partie du système juridique interne et a préséance aux lois de la République du Kosovo.

En principe et dans le contexte du dénominateur commun découlant des décisions de la Cour de Justice de l’Union européenne, de la Cour européenne des Droits de l’Homme et de la contribution des Cours Constitutionnelles et/ou des équivalents correspondants membres du Forum de la Commission de Venise, il n’est pas contesté que des mesures de protection provisoires dans le contexte des importations et des exportations, y compris dans des circonstances de déstabilisation du marché, soient possibles, à condition qu’elles soient « définies par la loi », qu’elles poursuivent un « objectif légitime » et qu’elles soient strictement « proportionnées ».  Selon la pratique judiciaire de la Cour de justice de l’Union européenne, de telles ingérences dans la liberté de l’économie de marché doivent être expressément nécessaires et ne peuvent en aucun cas constituer une discrimination arbitraire ou une restriction indirecte au libre-échange. En outre, selon les explications détaillées contenues dans l’Arrêt, la législation en vigueur de la République du Kosovo contient également des dispositions et des définitions pour la réglementation des mesures de protection provisoires ou des mesures restrictives provisoires, tant dans le contexte du commerce intérieur qu’extérieur.

Dans le contexte de la Loi contestée, l’Arrêt stipule qu’en principe, l’objet et la portée de la Loi contestée, y compris la définition de la liste des produits de base et des mesures de protection provisoires qui peuvent être imposées aux opérateurs économiques, dans des circonstances particulières de déstabilisation du marché ne constituent pas une ingérence arbitraire dans l’économie de marché, dans la mesure où ils poursuivent un but légitime et sont strictement proportionnés au but poursuivi. De plus, les mesures provisoires de protection contre les opérateurs économiques, à savoir les personnes morales/physiques, sont également soumises au droit d’exercer des recours juridiques et à la protection judiciaire des droits des opérateurs économiques garantis par les articles 32 [Droit à un recours juridique] et 54 [Protection judiciaire des Droits] de la Constitution, et par conséquent, le cadre juridique qui permet l’ingérence de l’État dans l’économie de libre-échange dans des circonstances particulières de déstabilisation du marché, n’implique pas la légalité et la constitutionnalité des mesures de protection provisoires, qui peuvent être soumises à une appréciation de légalité par les tribunaux ordinaires et de constitutionnalité par la Cour constitutionnelle conformément aux dispositions du paragraphe 7 de l’article 113 [Juridiction et Parties Autorisés] de la Constitution.

Par conséquent et sur la base des précisions apportées dans l’Arrêt, la Cour a estimé que l’article 1 (Objectif), l’article 2 (Champ d’application), l’article 3 (Définitions), les paragraphes 1, 3 et 5 de l’article 4 (Produits de base), les paragraphes 1 et 3 de l’article 5 (Mesures de protection provisoires), l’article 6 (Causes et durée des mesures de protection), l’article 7 (Calcul de la marge), les paragraphes 7 et 8 de l’article 8 (Prise de décision) et les paragraphes 1, 3, 4, 5 et 6 de l’article 9 (Contrôle et sanctions) de la Loi contestée, ne sont pas contraires au paragraphe 1 de l’article 7 [Valeurs], à l’article 10 [Économie] et au paragraphe 3 de l’article 119 [Principes généraux] de la Constitution.

Cela dit, le contenu de la Loi contestée comprend également deux questions constitutionnelles, à savoir (i) l’obligation constitutionnelle de la République du Kosovo définie conformément au paragraphe 5 de l’article 119 [Principes généraux] de la Constitution, selon lequel, lorsque le marché lui-même ne peut pas protéger suffisamment l’intérêt public, la République du Kosovo doit créer des “organes indépendants” pour la régulation du marché ; et (ii) le principe de sécurité juridique, en tant qu’élément essentiel de l’État de droit incorporé dans l’ordre constitutionnel de la République du Kosovo conformément au paragraphe 1 de l’article 7 [Valeurs] de la Constitution, dont les conclusions sont résumées comme suit :

(ii) si les mécanismes décisionnels concernant l’établissement de mesures de protection provisoires sont conformes aux garanties constitutionnelles

L’arrêt précise que la Constitution de la République du Kosovo, au paragraphe 5 de son article 119 [Principes généraux], définit clairement l’obligation de l’État de créer des “ organes indépendants de régulation du marché ” pour protéger l’intérêt public, lorsque que lui-même ne peut le faire. Selon les précisions apportées dans l’Arrêt, les circonstances définies par la loi contestée, dans lesquelles la liberté d’activité économique des opérateurs économiques peut être limitée par des mesures de protection temporaires, à savoir (i) l’absence soudaine ou continue de produits de base ; (ii) la hausse soudaine ou immédiate des prix des produits de base ; (iii) le non-ajustement des prix locaux aux fortes variations de prix sur le marché mondial ; et (iv) la différence injustifiable entre les prix locaux et les prix dans les pays voisins, comprennent des circonstances dans lesquelles le marché peut nécessairement s’autoréguler sans l’intervention des autorités publiques et qui, en vertu de la Constitution de la République du Kosovo, devraient être des “ organes indépendants. L’Arrêt précise également que la Loi no. 06/L-113 sur l’Organisation et le Fonctionnement de l’Administration Publique et des Agences Indépendantes, aux fins de réguler et de superviser l’activité des opérateurs d’un marché défini dans le but de protéger les consommateurs et d’assurer la libre concurrence, fait référence aux agences indépendantes de régulation. Une telle solution est également conforme à la définition de l’économie de marché libre, en tant que valeur essentielle de l’ordre constitutionnel de la République du Kosovo selon les articles 7 [Valeurs] et 10 [Économie] de la Constitution.

Sur la base de la contribution du Forum de la Commission de Venise et de l’analyse comparative élaborée dans l’Arrêt, en fonction des ordres constitutionnels respectifs, les États ont défini différents mécanismes pour l’application de mesures restrictives/protectrices dans des circonstances de déstabilisation du marché, y compris le pouvoir exécutif, des régulateurs/organes indépendants ou encore des commissions spéciales. L’indépendance des mécanismes décisionnels dans le contexte de la restriction de la liberté d’activité économique des opérateurs économiques dans des circonstances de déstabilisation du marché, a également été précisée dans les actes qui ont été soumis à l’appréciation de constitutionnalité de la Cour Constitutionnelle de la République d’Albanie, indépendamment du fait que, contrairement à la Constitution du Kosovo, celle de l’Albanie n’a pas l’obligation constitutionnelle de créer des “organes indépendants” à cette fin. Par deux arrêts pertinents, la Cour constitutionnelle d’Albanie a abrogé les actes contestés en totalité et en partie comme étant contraires à la Constitution.

Dans les circonstances de la Loi contestée, pour autant que soient définis (i) la création d’une Commission qui recommande au Ministre la mise en œuvre et la durée des mesures de protection provisoires ; (ii) la possibilité de consulter le Ministre avec les autorités publiques compétentes en vue d’établir des mesures provisoires de protection ; et (iii) le rôle du Conseil de l’ ASA, qui est uniquement consulté et/ou notifié avant de prendre des décisions sur des mesures provisoires de protection, aucun de ces mécanismes n’oblige le ministre compétent, dont le pouvoir de décision détermine les mesures provisoires de protection liées aux opérateurs économiques, à savoir les personnes morales/physiques, est complet et exclusif, de plus, le Premier Ministre peut abroger, annuler ou modifier toute décision du Ministre dans ce contexte.

Selon les précisions données dans l’Arrêt, tant que les pouvoirs constitutionnels de prise de décision du Gouvernement et/ou du Premier Ministre en application des lois de la République du Kosovo, y compris dans le contexte du développement économique, ne sont pas controversés, tenant compte du fait que le paragraphe 5 de l’article 119 [Principes généraux] de la Constitution définit précisément que la République du Kosovo doit créer des “organes indépendants” pour la régulation du marché lorsque le marché lui-même ne peut protéger suffisamment l’intérêt public, et qui, sur la base de la pratique judiciaire de la Cour de justice de l’Union européenne, comprend également la protection des consommateurs, la compétence du ministre et/ou du Premier ministre pour établir des mesures de protection provisoires qui limitent la liberté d’activité économique des opérateurs économiques en République du Kosovo, ne coïncide pas avec la norme constitutionnelle de prise de décision indépendante concernant la régulation du marché lorsque le marché lui-même ne peut pas protéger suffisamment l’intérêt public.

En conséquence, la Cour a estimé que les paragraphes 2 et 4 de l’article 4 (Produits de base), le paragraphe 2 de l’article 5 (Mesures de protection provisoires), les paragraphes 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 9 de l’article 8 (Prise de décision) et le paragraphe 2 de l’article 9 (Contrôle et sanctions) de la loi contestée, ne sont pas conformes au paragraphe 1 de l’article 7 [Valeurs], à l’article 10 [Économie] et au paragraphe 5 de l’article 119 [Principes généraux] de la Constitution.

 (iii) si la loi contestée est conforme au principe de sécurité juridique

L’Arrêt stipule que la Loi contestée définit son entrée en vigueur après publication au Journal officiel de la République du Kosovo. Cela dit, les circonstances régies par la même loi, à savoir l’ingérence de l’État dans l’économie de marché libre au moyen de mesures de protection provisoires en cas de déstabilisation du marché, sont régies par au moins deux autres lois applicables en République du Kosovo, à savoir (i) la Loi no. 03/L-244 sur les réserves d’État de marchandises ; et (ii) la Loi no. 2004/18 sur le commerce intérieur lié à la loi no. 04/L-005 portant modification et complément à la loi no. 2004/18 sur le commerce intérieur. La loi contestée ne modifie ni n’abroge les dispositions pertinentes de l’une ou l’autre des deux lois susmentionnées.

Selon les éléments de l’Arrêt, dans de telles circonstances, (i) “en cas de désordre du marché”, le ministère de l’Industrie, de l’Entrepreneuriat et du Commerce, sont responsables d’ intervenir dans le marché pour protéger la population et/ou le consommateur par le biais de deux lois différentes, à savoir la loi sur les Réserves d’État et la Loi contestée, et celles-ci ne définissent pas clairement la répartition de la charge entre la personne morale/physique, à savoir l’opérateur économique et l’autorité publique, à savoir l’État en cas de déstabilisation/désordre du marché, laissant cette attribution à l’entière discrétion du Ministère susmentionné. ; de plus, (ii) la Loi sur le commerce intérieur définit également des mesures de protection provisoires et des sanctions pour les personnes morales/personnes physiques/opérateurs économiques dans des circonstances de déstabilisation/désordre du marché, et qui restent applicables parallèlement aux mesures de protection provisoires définies par la loi contestée.

Les circonstances dans lesquelles, aux fins de réguler le marché en cas de déstabilisation/désordre, deux lois différentes seraient applicables, à savoir la Loi contestée et les dispositions respectives de la Loi sur le Commerce intérieur, qui définissent la possibilité d’ingérence de l’État dans une économie de marché, par le biais de mécanismes, mesures et sanctions parallèles, ne servent pas le principe de sécurité juridique et empêchent les personnes morales/physiques, à savoir les opérateurs économiques, de réglementer leur comportement conformément au droit applicable dans une économie de marché avec libre concurrence, qui est la base de l’ ordre économique et de la valeur de la République du Kosovo. L’Arrêt souligne le fait que l’un des principes les plus essentiels de l’État de droit en tant que valeur de la République du Kosovo est le principe de sécurité juridique et celui-ci, basé sur la pratique judiciaire de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, de la Cour de Justice de l’Union européenne, mais aussi de la Cour, exigent, entre autres, que les règles/lois applicables soient claires et précises et visent à garantir que les situations et relations juridiques restent prévisibles et qu’à cette fin, les normes juridiques doivent être formulées avec suffisamment de précision et de clarté. Les autorités publiques, lorsqu’elles élaborent des lois, doivent également tenir compte de ces principes fondamentaux de l’État de droit, en tant qu’élément important du système constitutionnel de la République du Kosovo.

Par conséquent, la Cour a également statué que l’article 10 (Entrée en vigueur) de la Loi contestée n’est pas compatible avec le principe de sécurité juridique et l’État de droit, garantis par le paragraphe 1 de l’article 7 [Valeurs] de la Constitution et le paragraphe 1 de l’article 119 [Principes généraux] de la Constitution.

Enfin, l’Arrêt précise que la requête a été soumise à la Cour en vertu du paragraphe 5 de l’article 113 [Juridiction et Parties autorisées] de la Constitution et que cette catégorie de requête a un caractère suspensif, respectivement une telle loi peut être soumise au/à la Président/e de la République du Kosovo pour communiqué seulement après la décision de la Cour et conformément aux modalités définies dans la décision finale de la Cour pour l’affaire contestée. Dans le cadre de sa pratique judiciaire, telle qu’elle est développée dans l’Arrêt, la Cour estime qu’elle a pris en compte la nature des dispositions de la Loi contestée déclarées contraires à la Constitution et le fait que l’autre partie de la loi contestée serait difficilement applicable après la promulgation des dispositions susvisées comme invalides, la Loi contestée, au service du principe de sécurité juridique, devrait être déclarée invalide dans son intégralité.

Cette traduction n’est pas officielle et ne peut servir qu’ à des fins d’information.

Requérants:

Arben Gashi dhe 9 (nëntë) deputetë të tjerë të Kuvendit të Republikës së Kosovës

Type de requête :

KO- Requête par les organismes d’état

Type de l’acte:

Jugement

Atteinte aux droits constitutionnels

Article 7 – Valeurs, Article 10 – Economie, Neni 119

Type de procédure poursuit devant les autres institutions :

Autre