Avis de décision dans l’affaire KI42/24

25.06.2024

La Cour Constitutionnelle de la République du Kosovo a statué sur la requête dans l’affaire KI42/24, avec le requérant Vasilije Arsić, pour l’appréciation de la constitutionnalité du Règlement de la Banque Centrale de la République du Kosovo sur les Opérations en espèces du 1er février 2024, soumis à la Cour en vertu du paragraphe 7 de l’article 113 [Juridiction et parties autorisées] de la Constitution de la République du Kosovo.

La Cour, à l’unanimité, a statué de : (i) déclarer la requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours définies par la loi ; et par conséquent (ii) de rejeter la requête de détermination d’une mesure temporaire, à savoir la suspension de la mise en œuvre du règlement susmentionné de la Banque Centrale de la République du Kosovo.

Selon les précisions apportées dans la décision d’irrecevabilité, les circonstances de l’espèce sont liées à l’approbation du Règlement sur les Opérations en Espèces par le Conseil d’administration de la Banque Centrale de la République du Kosovo, conformément à l’article 35 (Monnaie euro) selon lequel il est défini que (i) la seule monnaie autorisée à être utilisée pour effectuer des opérations de paiement en espèces dans le système de paiement de la République du Kosovo est l’euro, en tant que seule monnaie au sens de l’article 11 [Monnaie] de la Constitution de la République du Kosovo et des articles 16 (Émission de monnaie), 17 (Échange de billets et pièces en euros) et 18 (Billets et pièces en euros endommagés) de la Loi no. 03/L-209 sur la Banque Centrale de la République du Kosovo ; et (ii) la Banque Centrale de la République du Kosovo est la seule autorité monétaire qui peut décider des coupures autorisées de l’euro pour utilisation dans la République du Kosovo.

Le requérant devant la Cour a contesté la constitutionnalité du Règlement susmentionné de la Banque Centrale de la République du Kosovo, affirmant qu’il avait été émis en violation des droits garantis aux articles 7 [Valeurs], 11 [Monnaie], 22 [Mise en œuvre directe des Accords et instruments internationaux], 23 [Dignité humaine], 24 [Égalité devant la loi], 25 [Droit à la vie], 46 [Protection de la propriété], 49 [Droit au travail et à l’exercice de la profession], 51 [Protection de la santé et protection sociale ], 57 [Principes généraux], 58 [Responsabilités de l’État] et 59 [Droits des communautés et de leurs membres] de la Constitution, en soulignant essentiellement que l’article 35 (monnaie euro) du règlement de la Banque Centrale, est indirectement discriminatoire à l’égard de la communauté serbe de la République du Kosovo, entre autres, « puisqu’il affecte principalement la communauté serbe du Kosovo […] même si le règlement lui-même ne contient pas expressément de dispositions discriminatoires, le fait que son application est discriminatoire démontre une discrimination indirecte. »

L’ Arrêt de la Cour sur l’irrecevabilité met l’accent sur la pratique judiciaire consolidée de la Cour dans le contexte de l’obligation constitutionnelle d’épuiser les recours juridiques, y compris en ce qui concerne la contestation des instructions administratives. Il rappelle que, sur la base de la Constitution de la République du Kosovo, les individus sont autorisés à dénoncer les violations par les autorités publiques de leurs droits et libertés individuels garantis par la Constitution, mais seulement après avoir épuisé tous les recours juridiques définis par la loi. L’ Arrêt rappelle que l’épuisement des recours juridiques est une obligation constitutionnelle et légale et qu’au-delà de l’obligation de l’individu d’épuiser les recours légaux disponibles, il précise également les limitations de la compétence de la Cour constitutionnelle à l’égard des tribunaux ordinaires et qui, sur la base du principe de subsidiarité, ont le premier pouvoir pour examiner les plaintes des particuliers pour violation de leurs droits et libertés fondamentaux. Les exceptions à cette obligation constitutionnelle ont été clarifiées par la Cour à travers sa pratique judiciaire au fil des années, en se basant également sur la pratique judiciaire de la Cour Européenne des Droits de l’Homme et les avis pertinents de la Commission de Venise. Selon les précisions apportées par la pratique judiciaire de la Cour et par la décision sur l’irrecevabilité, les exceptions à cette obligation reposent sur la charge de la preuve qui incombe à l’individu, à savoir le requérant, et qui, entre autres, doit initialement faire valoir que (i) il n’existe aucun recours juridique ; ou que (ii) ce dernier a pris toutes les mesures pour épuiser les recours juridiques établis par la loi, mais que le recours juridique pertinent n’est pas efficace, disponible et/ou accessible. Dans les circonstances de l’espèce, le requérant souligne qu’il n’existe aucun recours juridique disponible pour contester la légalité et la constitutionnalité du règlement susmentionné de la Banque centrale de la République du Kosovo.

Cela dit, la Cour Constitutionnelle, à travers sa pratique judiciaire, a souligné au fil des années que la loi applicable aux conflits administratifs offre un recours juridique efficace dans l’ordre juridique de la République du Kosovo. En outre, récemment, à travers sa pratique judiciaire, y compris dans l’affaire KI10/22, avec pour requérant le Syndicat de l’Institut de Médecine légale, elle a souligné que même les instructions administratives, tels que le règlement contesté de la Banque centrale, sont soumises au contrôle administratif des tribunaux ordinaires et ces derniers ont plein pouvoir pour apprécier la légalité de ces actes. Selon les précisions apportées dans la décision d’irrecevabilité, le requérant n’a présenté aucun argument devant la Cour expliquant pourquoi les recours juridiques susmentionnés ne sont pas effectifs, disponibles et/ou accessibles dans les circonstances de son affaire et, par conséquent, la Cour a estimé que la requête doit être déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours, telles que définies par le paragraphe 7 de l’article 113 [Juridiction et parties autorisées] de la Constitution, l’article 47 (Requête individuelle) de la loi sur la Cour constitutionnelle et l’ alinéa (b) du paragraphe 1 de l’article 34 (Critères d’éligibilité) du Règlement de procédure de la Cour.

Cette traduction n’est pas officielle et ne peut servir qu’ à des fins d’information.

Remarque: Ce communiqué de presse a été préparé par le Secrétariat de la Cour uniquement à titre informatif. Le texte intégral de la décision sera remis aux parties impliquées dans l’affaire, sera publié sur le site Internet de la Cour et au Journal officiel, après l’achèvement des procédures pertinentes définies dans la loi sur la Cour constitutionnelle et son règlement de procédure. Le résumé publié par le biais du présent avis peut faire l’objet de corrections linguistiques et techniques dans le projet final de décision. Pour recevoir les notifications des décisions de la Cour constitutionnelle, veuillez vous inscrire sur le site Internet de la Cour: https://gjk-ks.org