Avis de décision dans l’affaire KO158/23

26.06.2024

La Cour Constitutionnelle de la République du Kosovo a statué sur la requête dans l’affaire KO 158/23, soumise par Besnik Tahiri et neuf (9) autres députés de l’Assemblée de la République du Kosovo, sur la base des dispositions du paragraphe 5 de l’article 113 [Juridiction et Parties autorisées] de la Constitution de la République du Kosovo, concernant l’appréciation de la constitutionnalité de la Loi n° 08/L-142 portant modification et complément des lois qui déterminent l’allocation correspondant au montant du salaire minimum, les procédures de fixation du salaire minimum et les taux d’imposition sur le revenu annuel des personnes physiques.

La Cour a décidé (i) à l’unanimité, de déclarer la requête recevable ; et (ii) à l’unanimité, de constater que l’article 2 (Modification et Complément de la Loi n° 04/L-261 relative aux Anciens Combattants de l’Armée de Libération du Kosovo (UCK), modifiée et complétée par la loi n° 05/L-141) de la Loi n° 08/ L-142 portant modification et complément des lois déterminant le montant de l’allocation du salaire minimum, les procédures de fixation du salaire minimum et les taux d’imposition sur le revenu annuel des personnes physiques, n’est pas contraire à l’article 24 [Égalité devant la loi] et à l’article 46 [Protection de la propriété] de la Constitution de la République du Kosovo en relation avec l’article 1 (Protection de la propriété) du Protocole no. 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ; (ii) par huit (8) voix pour et une voix (1) contre, que l’article 3 (Modification et Complément de la Loi n° 04/L-092 relative aux Aveugles) de la Loi n° 08/L-142 portant modification et complément des lois déterminant le montant du salaire minimum, les procédures de fixation du salaire minimum et les taux d’imposition sur le revenu annuel des personnes physiques n’est pas contraire à l’article 24 [Égalité devant la loi] et à l’article 46 [Protection de la propriété] de la Constitution de la République de Kosovo en relation avec l’article 1 (Protection de la propriété) du Protocole no. 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ; (iii) à l’unanimité, que l’article 4 (Modification et Complément à la loi n° 05/L-067 relative au statut et aux droits des personnes paraplégiques et tétraplégiques) de la loi n° 08/L-142 portant modification et complément des lois fixant le montant de l’allocation du salaire minimum, des procédures de fixation du salaire minimum et des taux d’imposition sur le revenu annuel des personnes physiques, n’est pas contraire à l’article 24 [Égalité devant la loi] et à l’article 46 [Protection de la propriété] de la Constitution de la République du Kosovo en relation avec l’article 1 (Protection de la propriété) du Protocole no. 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ; et (iv) par huit (8) voix pour et une voix (1) contre, de déclarer que l’article 6 (Modification et Complément de la loi n° 03/L-212 relative au travail) de la Loi n° 08/L-142 portant modification et complément des lois qui fixent le montant de l’allocation du salaire minimum, les procédures de fixation du salaire minimum et les taux d’imposition sur le revenu annuel personnel, ne sont pas contraires à l’article 51 [Santé et protection sociale] de la Constitution de la République du Kosovo.

L’Arrêt précise tout d’abord que la Loi contestée modifie et complète (i) la Loi no. 05/L-141 relative aux Anciens Combattants de l’Armée de Libération du Kosovo, modifiée et complétée par la Loi no. 05/L-141; (ii) la Loi no. 04/L-092 relative aux aveugles ; (iii) la Loi no. 05/L-067 relative au statut et aux droits des personnes paraplégiques et tétraplégiques ; (iv) la Loi no. 05/L-028 relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques ; et (v) la Loi n° 03/L-212 du travail. Tout d’abord, la Loi contestée modifie et complète les lois susmentionnées sur deux aspects pertinents. Premièrement, elle modifie la manière de fixer le montant des pensions et des allocations, y compris la corrélation de ce montant avec le salaire minimum, pour les anciens combattants de l’UCK, les aveugles et les personnes paraplégiques et tétraplégiques, en précisant que contrairement à la réglementation actuelle, selon laquelle le montant des pensions et/ou allocations respectives est lié au montant du salaire minimum ou à un niveau de celui-ci dans la République du Kosovo, le montant de ces pensions et/ou allocations est déterminé par le Gouvernement, sur proposition du Ministère chargé des Finances, en fonction des possibilités budgétaires, du coût de la vie et d’une éventuelle inflation. Deuxièmement, il modifie la méthode de fixation du montant du salaire minimum dans la République du Kosovo, en précisant que, contrairement à la réglementation actuelle selon laquelle le Gouvernement fixe le salaire minimum sur proposition du Conseil économique et social à la fin de chaque année civile, à défaut de proposition de ce dernier, c’est le Gouvernement lui-même qui fixe le montant du salaire minimum. L’Arrêt précise en outre que la Loi contestée n’affecte pas le droit des catégories susmentionnées aux pensions et allocations, ni ne fixe en tant que telle le montant de celles-ci .

Les députés qui ont soumis la requête contestent la Loi susmentionnée,en alléguant qu’elle est contraire aux articles 24 [Égalité devant la loi], 46 [Protection de la propriété] et 51 [Santé et protection sociale] de la Constitution, essentiellement parce que : (i ) la modification de la méthode de fixation du montant des pensions et/ou des allocations en supprimant la référence au montant du salaire minimum entraîne une violation du principe d’égalité devant la loi entre les catégories des anciens combattants de l’UCK, des aveugles et des personnes paraplégiques et tétraplégiques , car en laissant la fixation du niveau d’allocation pertinent à la discrétion du Gouvernement, ces catégories n’ont aucune garantie qu’elles seront indemnisées de manière égale ; (ii) la suppression de la référence au salaire minimum dans le cadre de la fixation du montant des pensions et/ou des allocations en question, viole les attentes légitimes des catégories mentionnées et, par conséquent, le droit de propriété des anciens combattants de l’UCK, des aveugles et des personnes paraplégiques et tétraplégiques ; et (iii) la possibilité pour le Gouvernement, en l’absence de proposition du Conseil économique et social, de fixer lui-même le salaire minimum, n’est pas conforme aux valeurs constitutionnelles de justice sociale et doit être interprétée selon les principes précisés par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et la Convention sur la fixation des salaires minima. Les allégations des requérants sont sur le principe également soutenues par l’ Avocat du Peuple, tandis qu’elles sont contre-argumentées par le Ministère des Finances et le groupe parlementaire du mouvement VETËVENDOSJE!, qui soulignent que la Loi contestée est conforme à la Constitution, en substance, parce que : (i) le principe d’égalité devant la loi n’a pas été violé, compte tenu du fait que les catégories concernées ne se trouvent pas dans des “ situations analogues ou relativement similaires ” entre elles ni avec les employés de la République du Kosovo, étant donné que (a) les anciens combattants de l’UCK reçoivent une pension et d’autres avantages en raison de leur service pendant la guerre et en signe de gratitude de l’État à leur égard ; (b) les aveugles et les personnes paraplégiques et tétraplégiques bénéficient de droits et d’avantages en raison de leurs caractéristiques personnelles ; tandis que (c) les salariés sont payés pour leur travail et leurs services par le secteur public ou privé et, par conséquent, la notion de salaire minimum ne s’applique qu’à ces derniers ; (ii) les attentes légitimes et, par conséquent, les droits de propriété des catégories susmentionnées n’ont pas été violés, compte tenu du fait que le montant de la pension et/ou des allocations correspondantes n’a pas été réduit, tandis que la suppression de la référence au niveau du salaire minimum est lié à la nécessité de maintenir la stabilité financière et la flexibilité nécessaires pour modifier le niveau du salaire minimum, en affirmant également qu’en principe, les gouvernements jouissent d’un large pouvoir discrétionnaire dans la définition des politiques sociales et économiques et des montant de retraite ; et (iii) la manière de fixer le salaire minimum n’est pas une question constitutionnelle, alors que les normes de l’OIT ne sont pas applicables, car la République du Kosovo n’en est pas membre, mais même si ces normes étaient appliquées, elles ne feraient que restreindre l’obligation de consultation, qui n’a pas été affectée par la Loi contestée.

Dans l’appréciation de la constitutionnalité de la Loi contestée, l’Arrêt développe tout d’abord et entre autres (i) les principes constitutionnels fondamentaux liés à la justice sociale, tels que spécifiés aux articles 7 [Valeurs] et 51 [Santé et protection sociale] de la Constitution, y compris le statut de la Convention de fixation des salaires minima de l’OIT, de la Charte sociale européenne et de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées ; (ii) les principes fondamentaux issus de la jurisprudence de la Cour et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme en matière d’égalité devant la loi et de droit de propriété, y compris dans le cadre du montant des allocations liées aux prestations sociales ; et (iii) l’historique des lois applicables relatives aux pensions, aux allocations et aux prestations sociales des anciens combattants de l’UCK, des aveugles et des personnes paraplégiques et tétraplégiques.

En appliquant les principes susmentionnés, l’Arrêt stipule d’abord que (i) sur la base de l’article 7 [Valeurs] de la Constitution, l’ordre constitutionnel de la République du Kosovo repose, entre autres, sur les principes de démocratie, d’égalité, de respect des droits et libertés de l’homme et de l’état de droit, de la non-discrimination, des droits de propriété et de la justice sociale ; (ii) sur la base de l’article 24 [Égalité devant la loi] de la Constitution, nul ne peut être discriminé sur la base, entre autres, de son statut social ; tandis que (iii) sur la base de l’article 51 [Santé et protection sociale] de la Constitution, la prestation sociale de base, qui couvre le chômage, la maladie, le handicap et la vieillesse, est réglementée par la loi. L’Arrêt, faisant référence à la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, souligne également le fait que les États disposent, en principe, d’un pouvoir discrétionnaire dans la détermination des politiques sociales, y compris de la nature et du niveau des prestations et/ou des allocations pour les différentes catégories sociales, toujours soumises à l’obligation de traitement égal et proportionné de ces catégories, y compris dans le contexte des attentes légitimes correspondantes en matière d’ allocation et/ou de prestation de l’État.

Dans l’Arrêt de la Cour, les principes expliqués ci-dessus ont été appliqués séparément lors de l’examen de chaque article évalué de la Loi contestée. Cela dit et pour les besoins de ce résumé, la Cour clarifiera les principales constatations et conclusions concernant les questions les plus controversées de la Loi contestée, à savoir si, du fait de l’élimination de la corrélation entre le montant des pensions et/ou des allocations avec le montant du salaire minimum ou un niveau du montant de celui-ci en République du Kosovo, (i) le principe d’égalité devant la loi entre les anciens combattants de l’UCK, les aveugles et les personnes paraplégiques et tétraplégiques a été violé ; (ii) si les droits de propriété des anciens combattants de l’UCK, des personnes aveugles, paraplégiques et tétraplégiques ont été violés ; et (iii) si les principes de justice sociale ont été violés du fait de la modification dans la manière de fixer montant du salaire minimum dans la République du Kosovo. A la suite les conclusions les plus essentielles de l’Arrêt, liées aux trois questions mentionnées ci-dessus seront reflétées.

(i) égalité devant la loi en ce qui concerne le montant des pensions et/ou allocations liées aux anciens combattants de l’UCK, aux aveugles et aux personnes paraplégiques et tétraplégiques

En évaluant si la Loi contestée viole le principe d’égalité devant la loi, l’Arrêt, dans le contexte de la pratique judiciaire de la Cour et de celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, rappelle qu’en principe, pour constater la violation du principe d’égalité devant la loi selon les dispositions de l’article 24 [Égalité devant la loi] de la Constitution, il faut d’abord évaluer si les catégories dont la discrimination est invoquée se trouvent dans des “ situations analogues ou relativement similaires ” et s’il existe une “ différence de traitement ” entre elles et, si tel est le cas, il est ensuite évalué si une telle différence de traitement est “ prévue par la loi ”, répond à un “ objectif légitime ” et s’il existe un rapport de “ proportionnalité ” entre la différence de traitement et le but qui est censé être atteint.

Dans le contexte de l’analyse susmentionnée, l’Arrêt fait l’évaluation, entre autres, des lois applicables aux anciens combattants de l’UCK, aux aveugles, aux personnes paraplégiques et tétraplégiques et aux employés des secteurs public et privé, en soulignant les objectifs, les obligations, mais aussi les droits et avantages , y compris les différences entre eux, pour les quatre catégories mentionnées ci-dessus. L’ Arrêt clarifie, entre autres, (i) la différence entre la portée de la Loi sur le Travail, y compris en termes de droits et obligations pour les employés des secteurs public et privé, et la portée des lois relatives aux anciens combattants de l’UCK, aux personnes aveugles et aux personnes paraplégiques et tétraplégiques et qui définissent les droits, avantages et facilités pour les trois catégories précitées ; et (ii) la différence entre la portée des lois relatives aux anciens combattants de l’UCK, aux aveugles et aux personnes paraplégiques et tétraplégiques, lesquelles lois incluent, en principe, des droits et des avantages pour (a) les anciens combattants de l’UCK, car ceux-ci par leur sacrifice, leur engagement et leur contribution précieuse à la Guerre de Libération du Kosovo, ont été des facteurs décisifs pour entrainer la liberté et l’indépendance au peuple du Kosovo ; et b) les personnes aveugles, paraplégiques et tétraplégiques, en raison de leurs caractéristiques personnelles et des droits découlant de l’article 51 [Santé et protection sociale] de la Constitution.

Sur la base des précisions apportées dans l’Arrêt, compte tenu de la différence entre la portée de la Loi du travail, d’une part, et la portée des lois applicables aux anciens combattants de l’UCK, aux aveugles et aux personnes paraplégiques et tétraplégiques, d’autre part, y compris les objectifs de chacune des lois mentionnées ci-dessus et la différence dans le contexte des obligations, mais aussi des droits, avantages et facilités pour chaque catégorie mentionnée ci-dessus, la Cour a estimé que (i) la catégorie des anciens combattants de l’UCK, qui est assistée par l’État, compte tenu de sa contribution à la liberté et à l’indépendance du peuple du Kosovo, ne peut être considérée comme se trouvant dans une “ situation analogue ou relativement similaire ” à la catégorie des aveugles, paraplégiques et tétraplégiques et, par conséquent, il ne peut y avoir de “ différence de traitement ” ni de violation du principe d’égalité devant la loi entre ces catégories ; tandis que (ii) les catégories de personnes aveugles et paraplégiques et tétraplégiques se trouvent dans une “ situation analogue ou relativement similaire ” compte tenu de leurs caractéristiques personnelles, mais que la Loi contestée ne reflète pas une “ différence de traitement ” entre elles dans le cadre de fixation du montant de l’allocation mensuelle, entre autres, car elle détermine le même mécanisme pour fixer ce montant. Selon les précisions apportées dans l’Arrêt, les conclusions susmentionnées sont étayées par la pratique judiciaire de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, dans laquelle la différence de traitement dans le cadre des allocations et/ou des avantages sociaux entre les salariés du secteur public et privé est spécifiquement abordée, y compris entre les anciens combattants et d’autres catégories de la société pouvant bénéficier de diverses prestations sociales.

En conséquence et selon les précisions apportées dans l’Arrêt, la Cour a estimé que les articles 2, 3 et 4 de la Loi contestée ne sont pas en contradiction avec l’article 24 [Égalité devant la loi] de la Constitution.

(ii) droits de propriété liés aux attentes légitimes concernant un montant de pensions et/ou de prestations en corrélation avec le montant du salaire minimum ou à un niveau de celui-ci en République du Kosovo

En évaluant si la Loi contestée viole les droits de propriété des catégories d’anciens combattants de l’UCK, des aveugles et des personnes paraplégiques et tétraplégiques, l’Arrêt, dans le contexte de la pratique judiciaire de cette Cour et de celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, réaffirme que , en vertu de l’article 46 [Protection de la propriété] de la Constitution en relation avec l’article 1 (Protection de la propriété) du Protocole n° 1. de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, la notion de “ richesse ” inclut en principe à la fois les “ biens existants ” et les biens présumus, également dans le contexte des “ revenus futurs ”, par rapport auxquels un individu peut faire valoir qu’il a au moins une “ attente légitime ”. La pratique judiciaire citée ci-dessus souligne que “ les pensions et prestations sociales ”, y compris les régimes non contributifs, bénéficient également de la protection de l’article 1 (Protection de la propriété) du Protocole n° 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, dans les conditions et principes définis par la pratique judiciaire de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. En outre, ces droits peuvent être limités dans les circonstances dans lesquelles leur “ ingérence/limitation ” est (i) “ définie par la loi ” ; (ii) poursuit un “ but légitime ” ; et (iii) est “ proportionnée ” au but légitime poursuivi.

L’Arrêt précise également qu’en principe, sur la base de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, (i) les États jouissent de la liberté de décider s’ils souhaitent mettre en œuvre une forme quelconque de régime de sécurité sociale ou de choisir le type ou le niveau des prestations qui peuvent être garantis par un tel régime, mais néanmoins, (ii) si un État prévoit des régimes de sécurité sociale, y compris des droits aux prestations sociales, qu’ils soient ou non conditionnés au versement anticipé de cotisations, il sera considéré que de cette législation provient un intérêt patrimonial, qui entre alors dans le champ d’application de l’article 1 (Protection de la propriété) du Protocole n° 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ; tandis que (iii) les droits liés aux régimes de retraite peuvent être limités à des fins légitimes, qui, en principe, incluent également le risque de nuire à l’équilibre financier du système de sécurité sociale, à condition que ces restrictions soient proportionnées.

Selon les précisions apportés, la question contestée dans les circonstances de la Loi contestée est de savoir si, en éliminant la référence du salaire minimum ou à un niveau de celui-ci, la loi contestée a entraîné la violation des droits de propriété : (a) des anciens combattants de l’UCK; (b) des aveugles; et c) des personnes paraplégiques et tétraplégiques. Les conclusions de la Cour concernant ces allégations seront résumées ci-dessous.

a) concernant les vétérans de l’UCK

Dans le contexte de la catégorie des anciens combattants de l’UCK, et en analysant les modifications et les compléments apportés au droit applicable au fil des ans, l’Arrêt précise que la corrélation entre le montant des pensions des anciens combattants de l’UCK et le montant du salaire minimum en République du Kosovo n’a pas été modifiée par la Loi contestée, mais depuis 2017, par la modification et le complément de la Loi sur les anciens combattants, à savoir la Loi n° 05/L-141 portant modification et complément de la Loi n° 04/L-261 sur les Anciens combattants de l’Armée de Libération du Kosovo. Cette loi, dans la mesure où elle est pertinente dans les circonstances de l’espèce, depuis 2017 (i) a supprimé l’article 18 (Montant de la pension) de la Loi fondamentale, à savoir la disposition qui précisait qu’en fonction des possibilités budgétaires, du coût de la vie et de l’inflation éventuelle, à la fin de chaque année, pour l’année suivante, le Gouvernement, sur proposition du Ministère des Finances, peut décider du montant de la pension des Anciens Combattants de l’UCK, à la condition que cette pension “ ne puisse être inférieure au salaire minimum défini au Kosovo ” ; et, (ii) a ajouté à la loi fondamentale l’article 16A (sans titre), qui, entre autres, déterminait la catégorisation des vétérans de l’UCK en fonction du temps de mobilisation et de service dans l’UCK, précisant le montant de la pension mensuelle pour chaque catégorie et en limitant le montant total des versements des pensions des anciens combattants de l’UCK à la limite de 0,7 % (zéro virgule sept pour cent) du produit intérieur brut par an.

L’Arrêt rappelle que les modifications et compléments à la Loi sur les Anciens Combattants de 2017 ont été contestés devant la Cour constitutionnelle et que celle-ci, à travers l’Arrêt dans l’affaire KO01/17, a traité spécifiquement la question de l’annulation de la référence, à savoir la corrélation entre le montant des pensions des anciens combattants de l’UCK avec le niveau du salaire minimum en République du Kosovo. Selon les précisions apportées dans l’Arrêt pertinent de 2017, la Cour a estimé que si la suppression des garanties liées au salaire minimum pour les catégories d’anciens combattants de l’UCK constitue une “ ingérence ” dans les droits de propriété concernés, cette “ ingérence ” a un but légitime et proportionné au but poursuivi, concluant ainsi qu’elle n’est pas contraire à la Constitution. En conséquence, et selon les précisions apportées dans l’Arrêt, les allégations concernant la violation des droits de propriété des anciens combattants de l’UCK en raison de la suppression de la corrélation entre le montant des pensions et le montant du salaire minimum dans le République du Kosovo, ont été conclues par l’Arrêt de la Cour dans l’affaire KO01/17.

Cela dit, l’Arrêt précise que la Loi contestée contient une modification et/ou un complément supplémentaire lié à la période de transition, à savoir le montant des pensions des anciens combattants de l’UCK jusqu’à leur catégorisation finale. Plus précisément et selon les précisions apportées, (i) si la Loi sur les anciens combattants de 2017 avait supprimé la garantie de corrélation du montant de la pension avec le salaire minimum, elle avait maintenu en vigueur les dispositions de la loi fondamentale, à savoir la Loi sur les anciens combattants de 2014, qui a permis aux anciens combattants de l’UCK de percevoir une pension au moins égale au salaire minimum jusqu’à leur catégorisation finale ; et (ii) cette fixation est désormais modifiée par la Loi contestée, qui place la fixation du montant des pensions respectives pendant cette période transitoire, à savoir jusqu’à la catégorisation finale des anciens combattants de l’UCK, à la discrétion du Gouvernement, sous réserve des possibilités budgétaires, du coût de la vie et de l’inflation éventuelle.

Par conséquent, dans les circonstances de la Loi contestée, le rapport entre le montant des pensions et le salaire minimum n’est pas contesté, car cette question a été résolue par l’ Arrêt KO01/17, mais il est contesté de savoir si les retards dans l’application de la Loi sur les Anciens Combattants de 2017, respectivement l’obligation de l’État de procéder à la catégorisation finale des anciens combattants, peut donner lieu à des “ attentes légitimes ” pour la catégorie des anciens combattants de l’UCK lesquels jusqu’à leur catégorisation finale bénéficieront de pensions au montant du salaire minimum en République du Kosovo.

Dans le contexte susmentionné, l’Arrêt souligne, entre autres, que, sur la base de la pratique judiciaire de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, les “ attentes légitimes ” concernant les “ revenus futurs ”, y compris dans le contexte des “ pensions et prestations sociales ”, ne peuvent découler simplement des retards dans l’application des lois, y compris de la Loi sur les Anciens Combattants de 2017 dans le cadre de la catégorisation des anciens combattants de l’UCK, soulignant également que, sur la base des principes de l’État de droit et de la sécurité juridique, qui découlent entre autres de l’article 7 [Valeurs] de la Constitution, les autorités publiques de la République du Kosovo sont tenues de mettre en œuvre les lois adoptées par l’Assemblée. En outre, l’Arrêt précise également que (i) l’obligation de l’État de fournir un soutien financier sous forme de pensions et de prestations spéciales aux catégories issues de la guerre de l’UCK, qui, par leurs sacrifices et leurs contributions, ont été des facteurs décisifs pour la liberté et la libération de la République du Kosovo, n’est pas contestée; (ii) la Loi contestée n’affecte pas le droit à la pension des anciens combattants de l’UCK en raison de leur contribution susmentionnée ; tandis que (iii) la Loi contestée ne détermine ni ne réduit le montant des pensions de la catégorie des anciens combattants de l’UCK. Cela dit, l’Arrêt souligne en outre que, sur la base des garanties qui découlent de l’article 46 [Protection de la propriété] de la Constitution en relation avec l’article 1 (Protection de la propriété) du Protocole no. 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, l’éventuelle réduction du montant des “ revenus futurs ”, y compris dans le cadre des “ pensions et prestations sociales ”, peut entraîner une ingérence dans le droit de propriété et peut être contestée et être soumise à l’appréciation de la légalité et/ou de la constitutionnalité, dans le cadre de l’ingérence dans ces droits et de la proportionnalité de cette ingérence par rapport au but légitime poursuivi.

En conséquence et selon les précisions apportées dans l’Arrêt, la Cour a conclu que l’article 2 de la Loi contestée n’est pas contraire à l’article 46 [Protection de la propriété] de la Constitution en liaison avec l’article 1 du Protocole n° 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

b) concernant les aveugles et les personnes paraplégiques et tétraplégiques

Dans le contexte des catégories des aveugles et des personnes paraplégiques et tétraplégiques, et en analysant les modifications et compléments aux lois pertinentes applicables au fil des ans, l’Arrêt précise que contrairement à la Loi sur les Anciens Combattants de 2017, la Loi sur les aveugles et la Loi sur les personnes paraplégiques et tétraplégiques ne garantissent pas le montant de l’allocation au moins au niveau du salaire minimum en République du Kosovo, mais “ à un certain niveau basé sur le salaire minimum ” déterminé par le Gouvernement. Par ailleurs, les lois susmentionnées diffèrent également entre elles en termes de garanties liées au montant de l’allocation. La loi sur les aveugles comprend une garantie supplémentaire selon laquelle les aveugles reçoivent une allocation du budget de l’État à “ à un certain niveau basé sur le salaire minimum ”, mais pas moins de cent (100) euros par mois. Dans le même temps, la Loi sur les personnes paraplégiques et tétraplégiques souligne également le pouvoir discrétionnaire de l’État de modifier le montant de l’ allocation, y compris de le réduire ou de l’annuler, en fonction de la disponibilité des fonds et des circonstances qui créent des tensions fiscales imprévues sur le budget public. La Loi contestée modifie et complète les lois fondamentales susmentionnées, définissant le même mécanisme de fixation du montant de l’ allocation pour les deux catégories, à savoir que le Gouvernement, sur proposition du Ministère des Finances, décide du montant de l’ allocation pour les aveugles et les personnes paraplégiques et tétraplégiques, en fonction des possibilités budgétaires, du coût de la vie et de l’inflation éventuelle.

Selon les précisions apportées dans l’Arrêt, dans le cadre des lois applicables aux aveugles et aux personnes paraplégiques et tétraplégiques, (i) le droit des aveugles et des personnes paraplégiques et tétraplégiques à une aide financière et/ou à une allocation n’est pas contesté, car ce droit découle de l’article 51 [Santé et protection sociale] de la Constitution et des lois applicables et n’est pas affecté par la Loi contestée, mais (ii) est contesté de savoir si le montant de l’allocation, qui n’est pas spécifié dans les lois applicables ni dans la Loi contestée est susceptible de susciter des “ attentes légitimes ” concernant les “ revenus futurs ”des personnes aveugles, paraplégiques et tétraplégiques aux fins des garanties contenues dans l’article 46 [Protection de la propriété] de la Constitution en liaison avec l’article 1 (Protection de la propriété) du Protocole no. 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Dans de telles circonstances et compte tenu du fait que le droit à une allocation mensuelle n’est pas contesté mais le montant de cette allocation lequel n’est pas nécessairement réduit par la Loi contestée, on ne peut conclure que les droits de propriété de ces catégories ont été violés.

En conséquence et selon les précisions apportées dans l’Arrêt, la Cour a conclu que les articles 3 et 4 de la Loi contestée ne sont pas contraires à l’article 46 [Protection de la propriété] de la Constitution en relation avec l’article 1 (Protection de la propriété) du Protocole No. 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Cela dit et soulignant le pouvoir de l’Assemblée pour définir les politiques sociales de la République, toujours dans le respect des valeurs de la Constitution de la République liées à la justice sociale et aux droits et libertés fondamentaux, l’Arrêt met l’accent sur (i) l’article 51 [Protection de la santé et protection sociale] de la Constitution, qui garantit, entre autres, la sécurité sociale de base liée au chômage, à la maladie, au handicap et à la vieillesse d’une manière réglementée par la loi ; (ii) l’article 28 (Niveau de vie adéquat et protection sociale) de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, selon lequel les États sont tenus de reconnaître le droit des personnes handicapées à un niveau de vie adéquat pour elles-mêmes et leurs familles, y compris la nourriture, les vêtements et un logement adéquats, ainsi que le droit à l’amélioration continue de leurs conditions de vie et s’engagent à prendre les mesures appropriées pour protéger et améliorer la réalisation de ce droit sans discrimination due au handicap ; et (iii) la pratique judiciaire de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, selon laquelle les personnes handicapées sont identifiées comme une catégorie marginalisée et qui a historiquement fait l’objet de discrimination et de préjugés, ce qui a conduit à leur isolement en société. Compte tenu de ces principes et du fait que le degré d’appréciation des États dans la limitation des droits de cette catégorie est nettement plus limité, l’Arrêt souligne que l’Assemblée et/ou le Gouvernement doivent avoir des raisons très sérieuses d’intervenir dans ces droits, inclus dans le cadre de la possibilité de réduire le montant des allocations respectives. Cela dit et compte tenu du fait que la Loi contestée n’affecte pas le droit aux allocations des catégories susmentionnées ni ne détermine et/ou ne réduit son montant, l’Arrêt souligne que la réduction éventuelle du montant des “ revenus futurs ”, y compris dans le cadre des “ pensions et prestations sociales ”, doit toujours être proportionnée au but légitime poursuivi et dans ce contexte, elle peut être contestée et soumise à l’appréciation de la légalité et/ou de la constitutionnalité, à savoir la compatibilité avec les droits fondamentaux et les libertés des personnes aveugles, paraplégiques et tétraplégiques.

(iii) méthode de fixation du montant du salaire minimum

Dans le contexte des mécanismes qui fixent le montant du salaire minimum dans la République du Kosovo, l’Arrêt précise tout d’abord que l’article 57 (Salaire minimum) de la Loi sur le travail, entre autres, définit que le Gouvernement du Kosovo à la fin de chaque année civile fixe le salaire minimum selon la proposition du Conseil économique et social, tandis que la Loi contestée modifie et complète l’article susmentionné, en maintenant l’obligation du Gouvernement de fixer le salaire minimum selon la proposition du Conseil économique et social, mais en ajoutant la possibilité que le Gouvernement fixe lui-même le salaire minimum en l’absence d’une telle proposition.

Dans l’appréciation de la constitutionnalité de l’article susmentionné, l’Arrêt réaffirme qu’au-delà de la justice sociale en tant que valeur de la République du Kosovo, les questions liées aux mécanismes qui fixent le salaire minimum sont réglementées respectivement par des lois et des instructions administratives, respectivement par l’Instruction Aministrative n° 09/2017 sur la Fixation du Salaire minimum en République du Kosovo. En outre, selon les précisions apportées, même si la Convention OIT sur la fixation des salaires minima n’est pas directement applicable dans l’ordre juridique de la République du Kosovo, les principes qui en découlent sont reflétés, en principe, dans la Loi applicable au Travail. Selon les normes de la Convention susmentionnée, la fixation du salaire minimum est l’un des mécanismes que les États doivent utiliser pour réaliser la justice sociale et le but de la fixation du salaire minimum devrait être la protection des travailleurs qui ont des salaires très bas, c’est-à-dire qu’ils se voient offrir les conditions nécessaires à une vie digne et que le niveau de ce salaire devrait être fixé après accord ou consultation approfondie des représentants des travailleurs et des employeurs

L’Arrêt précise en outre que, si l’article 6 de la Loi contestée supprime la condition selon laquelle le Conseil économique et social fixe le salaire minimum, il n’affecte pas nécessairement l’obligation de pleine consultation des associations représentatives des salariés et des employeurs au sein du Conseil économique et social , parce que ce dernier a toujours le rôle principal dans la décision concernant la proposition de fixation des salaires minima dans la République du Kosovo et qu’en cas d’échec de ce consensus, le pouvoir de décision dans un délai d’une année civile est transféré au Gouvernement de la République du Kosovo. Selon les précisions apportées, la Cour note que le changement dans la manière de fixer le salaire minimum en ce qui concerne la composition et le processus décisionnel du Conseil économique et social, peut affecter le mode de consultation et/ou de prise de décision entre le représentants des associations d’employeurs, de travailleurs et du Gouvernement, dans le cadre de la proposition relative au niveau du salaire minimum, mais que, cependant, il n’entre pas dans le pouvoir de la Cour d’évaluer le choix de politique publique par les représentants du peuple, mais uniquement d’évaluer si les dispositions de la Constitution ont été violées. Comme expliqué ci-dessus, celle-ci ne contient pas les normes qui régissent la question des mécanismes nécessaires de fixation du montant du salaire minimum en République du Kosovo.

Dans de telles circonstances et selon les précisions apportées, la Cour a conclu que l’article 6 de la Loi contestée n’est pas contraire à l’article 51 [Santé et protection sociale] de la Constitution.

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